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stalker
2 mai 2008

Monika (Un été avec Monika) - Ingmar Bergman (1952)

monika_3Sommaren med Monika

C'est toujours un plaisir de revoir Monika, le genre de films qu'on porte dans son coeur à jamais, qui vous emportent, vous font rêver, rire et pleurer, tout ça en l'espace de 90 minutes. C'est une oeuvre intime et universelle, à la fois légère et grave, très dense et emprunte d'une mélancolie déchirante, toujours à la limite du trop-plein d'images, de sentiments et de sensations. C'est carrément fou tout ce qui peut émaner de ce film ! Je suis tolérant mais je ne peux pas comprendre qu'on n'aime pas Monika. C'est tellement beau, tellement juste, tellement bouleversant, tellement... tout. Paradoxalement simple et complexe à la fois, le film s'attarde autant sur les sentiments que sur la psychologie des personnages (Bergman oblige) pour un résultat infiniment touchant qui balaie tout sur son passage.

L'idylle tragique de Monika et Harry n'est en fait qu'un fragment, à la fois infime et fondamentalement important, l'évocation d'un morceau de deux destinées parmi tant d'autres qui se rencontrent et se séparent. Lors du dernier plan, la caméra s'attarde sur les affairements de plusieurs vieux alcooliques anonymes dans la rue après qu'Harry soit sorti du champ (un champ dans le champ en fait puisque la caméra fixe un miroir), comme pour souligner la reprise du cours de la vie ; les destinées d'Harry, Monika et leur enfant finissent par s'inscrire au milieu de celles des autres. Après avoir voulu s'émanciper de la société sur leur île, ils finissent par se rendre à l'évidence et reviennent à Stockholm pour entamer une vie banale qui les conduira à la séparation. L'idylle n'aura duré que l'espace de quelques mois, en marge du monde et des hommes, mais les assauts successifs de la société pour s'emparer à nouveau des deux tourteraux auront fini par avoir raison de leur détermination et de leur amour. Monika c'est l'illustration, à travers deux personnages tout ce qu'il y a de plus normaux, de la complexité et de la triste banalité de l'existence. La vie prend tout son sens dans les moments simples de bonheur et de plénitude (une danse en solitaire au bord de l'eau, une nuit d'amour sur un bateau, une cigarette fumée à deux autour d'un réchaud...), et peu importent finalement la tristesse et l'amertume puisque le souvenir de ces moments demeure pour que l'on puisse s'y réfugier. Un Bergman moins pessimiste qu'à l'accoutumée donc, même si la conclusion est tragique.

monika1_2On remarque tout de suite la ressemblance évidente avec le formidable Jeux d'été, réalisé en 1950 par Bergman également. Mais il y a une touche plus sociale et philosophique dans Monika avec l'évocation de ce milieu ouvrier à Stockholm où les jeunes, prisonniers de leur condition misérable rêvent d'évasion. "Pourquoi certaines personnes ont la vie si faciles ?" demande Monika à Harry. La question reste sans réponse, dressant un constat amère de l'injustice sociale. Le personnage de Monika, tiraillé par ses sentiments et ses ambitions inaccessibles, nous révèle frontalement sa détresse à travers ce regard-caméra célébrissime vers la fin du film, alors qu'on la prenait pour une garce qui ne sait pas ce qu'elle veut. Cette scène est d'une force écrasante, Bergman ose ce procédé casse-gueule et réussit un tour de force bouleversant, le regard de la sublime Harriett Andersson nous transperce littéralement, transcandant l'écran pour nous toucher en plein coeur. Esthétiquement, c'est la perfection, Bergman commence à réellement s'affirmer affiche un style très intéressant qu'il abandonnera plus ou moins par la suite pour se consacrer pleinement à son travail sur le gros plan. Mises au point somptueuses, paysages magnifiquement photographiés, mise en scène ingénieuse, recadrages élégants, travellings superbes où la caméra semble amoureuse des personnages qu'elle suit... Les moments de pure grâce s'enchaînent pour un résultat digne des plus grands Bergman. Sans doute un des plus beaux films du monde.

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Commentaires
S
Le 12 ème film pour être exact Gus :D
G
Rhaa l'un des premiers Bergman (LE premier?). Un cinéaste auquel il me tarde de consacrer une rétrospective digne de ce nom. Car pour l'instant, je n'ai pu voir que la très belle ATTENTE DES FEMMES et les magnifiques FRAISES SAUVAGES !
H
"Je suis tolérant mais je ne peux pas comprendre qu'on n'aime pas Monika"<br /> <br /> Merci, merci ! mdr
stalker
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