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stalker
30 mai 2008

Control - Anton Corbijn (2007)

samrileyCe n'est qu'après 4 visionnages du film que j'en ai saisi toute la grandeur et toute la beauté. Avant, je trouvais de faux défauts qui m'empêchaient de complètement adhérer au film même si je l'ai adoré dès la première fois. Intrigué et ému, je me le suis regardé à nouveau plusieurs fois, et au bout de la quatrième, tout m'a paru tellement évident, beau et limpide, que j'en ai tremblé et presque pleuré, j'ai même cru tomber de ma chaise. On en sort complètement lessivé, écrasé par cette tristesse infinie qui émane du film et de la musique de Joy Division. J'irais même jusqu'à dire (beaucoup diront que j'éxagère) qu'on tient là un des grands films du 21ème siècle, certes classique, mais un classique de très bonne facture. Traversé de fulgurances déchirantes qui jaillissent par-ci par-là, le film est d'une intensité rare et multiplie les grands moments de mise en scène. Impossible de ne pas frissonner pendant les extraordinaires scènes de concert où toute la maestria de Corbijn saute aux yeux ainsi que son époustouflant sens de l'espace et du montage. La sublime musique de Joy Division nous transperce et, mêlée aux images, acquiert une puissance nouvelle et inattendue. Superbe vision de la création artistique comme abîme plutôt que véritable libération. Ian, étouffé par la morosité de l'Angleterre en noir & blanc des années Thatcher, extériorise partiellement son mal-être à travers la musique, mais la douleur persiste et s'amplifie tandis qu'il perpétue ce processus sado-masochiste. La musique panse les plaies intérieures mais en ouvre d'autres plus gangreneuses et empuanties encore. Et Ian perdra le contrôle de sa vie une fois de trop...

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Le drame qui se noue à l'intérieur du tourmenté Ian Curtis touche au plus profond et son suicide final nous submerge de chagrin. Pourtant, Anton Corbijn ne choisit pas le parti-pris casse-gueule du film psychanalytico-métaphysique et s'en tient aux faits. Il ne sonde pas le mal-être du jeune homme, il le contemple, le partage, le comprend sans plonger dans les arcanes de son esprit. Quelques questionnements existentiels et appels à l'aide désespérés dissimulés dans les paroles des chansons écrites pas Curtis nous aident à cerner son trouble, mais le réalisateur ne se prend pas pour Bergman et s'en tient à ce qu'a écrit Deborah (la femme de Ian) dans son livre. Il ne cherche pas plus loin, il accompagne de la plus belle des façons le chanteur vers sa déchéance, dans cette danse macabre vers la Mort. Pas de symbolique lourde, tout juste quelques furtives envolées lyriques, mais pourtant toujours cette obsession omniprésente et latente de la Mort.

control

Un portrait simple à hauteur d'homme d'une sobriété déchirante, qui évite les pièges du biopic et du film musical et refuse le sensationnel, pour donner au final un film intime sur un homme tout ce qu'il y a de plus normal malgré la fulgurance de son succès, dans toute sa beauté et sa lâcheté. On aura rarement vu un personnage principal aussi beau et attachant, on se sent proche de lui (enfin moi personnellement je m'y identifie beaucoup bien que je ne sois pas musicien) et sa disparition déchire le coeur. C'est un homme marié trop jeune, partagé entre sa vie de famille et sa maîtresse, un éternel enfant accablé qui s'enferme dans sa solitude pour se cacher du succès inattendu et insupportable qu'il ne veut pas vivre. Sam Riley, déjà définitivement un grand acteur qui mérite d'aller loin, livre une interprétation légendaire, adoptant les mimiques et l'attitude de Curtis sans singer ou bêtement imiter, il compose à la perfection un rôle magnifique qui restera sans doute celui de sa vie. Niveau esthétique, on voit que Corbijn a fait de la photo car c'est d'une beauté à couper le souffle. On attend en tout cas avec impatience de voir ce que ce réalisateur prometteur nous réserve à l'avenir...

"On regarde la vie dans un endroit inconnu, peut-être au bord de la noyade, est-ce comme ça que ça commence ?"

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