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17 octobre 2008

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7 octobre 2008

Le Chagrin et la Pitié, Chronique d'une Ville Française Sous l'Occupation - Marcel Ophüls (1969)

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Certains doivent se dire que je suis maso de regarder un documentaire de 4h30 sur l'Occupation (comme si on s'en tapait pas assez de la Seconde Guerre Mondiale en cours). Mais j'avoue que si je l'ai regardé ce n'est pas entièrement de mon plein gré, car c'est à la base pour une synthèse que je dois rendre sur un film traitant de cette guerre, pour montrer comment le film s'inscrit dans la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale. Alors si j'ai choisi ce film plutôt qu'un autre (plus spectaculaire et plus court - du genre Soldat Ryan), c'est parce que j'ai été influencé par Woody Allen, qui va voir le film au cinéma avec Diane Keaton dans Annie Hall. Bon, voilà pour la "justification", si besoin était de justifier mon acte mrgreen

Et le film alors ? Et bien étonnamment, ce n'est pas emmerdant une seconde. Je l'ai vu en trois fois, d'accord, mais quand même, ça reste réellement passionnant du début à la fin. D'un point de vue historique, forcément c'est très intéressant, mais d'un point de vue cinématographique également. Le travail de montage est plus qu'extraordinaire, on imagine comment les gars ont dû se prendre la tête là-dessus pendant 9 mois. Le temps d'une grossesse pour accoucher de ce gigantesque bébé de près de 5 heures, qui mêle avec une habilité déconcertante images d'archives (aussi bien des actualités françaises qu'allemandes et anglaises) et interviews d'habitants de Clermont-Ferrand et de personnalités ayant vécu directement les événements (Pierre Mendès-France pour citer le plus célèbre). Les interviews sont filmées assez particulièrement, parfois maladroitement (le caméraman se viande limite la gueule, il change d'angle à l'arrache on ne sait pas pourquoi) mais toujours avec une sorte de poésie plutôt touchante. La caméra s'attarde sur les mains parfois plus éloquentes que les visages, sur les yeux bouleversés, le décor. Il y a quelque chose de très maîtrisé quelquesfois dans les angles choisis, dans les échelles de plan, et en même temps ce côté "pris sur le vif" très scotchant.

Le grand intérêt du film et là où réside tout son incroyable courage reste son côté démystificateur (le film ne sortira d'ailleurs sur les écrans qu'en 1971, c'est-à-dire 2 ans après son achèvement). Près de 30 ans après la guerre, le film retrace l'histoire de la France, en s'attachant plus spécifiquement à la ville de Clermont-Ferrand, et brise morceau par morceau l'idéal de "la France Résistante" entretenu par de Gaulle. La France sous l'Occupation est montrée ici dans toute sa traîtrise, une France divisée où il ne faisait pas bon vivre. Les Résistants comme les vichistes sont interrogés, Ophüls (Marcel de son prénom, fils du grand Max pour l'info) s'amuse à contraster les points de vue non sans ironie et en restant toujours d'une parfaite neutralité. En même temps, il nous fournit des informations méconnues et passionnantes sur certains événements (on sent un énorme et parfait travail de documentation) sans aucun didactisme pompeux. Le Chagrin et la Pitié prend alors des allures de grand opéra tragi-comique rythmé par un flot de parole incessantes et par les chansons de Maurice Chevalier.

4 octobre 2008

Desperate Housewives - Saison 3

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Je n'ai jamais été un grand adepte de séries télé. Desperate Housewives m'a fait changer radicalement de point de vue. Avec ses intrigues de sitcom, ses décors clinquants qui rappellent Les Feux de l'Amour et ses personnages de bourgeois coincés, la série s'amuse avec délectation à détruire à petit feu "l'idéal de vie américain" en nous montrant l'envers du décor, en déconstruisant brique par brique l'édifice du rêve américain. Chaque personnage a ses secrets plus ou moins sombres, ses faiblesses, la bulle de Wisteria Lane est sans arrêt sur le point d'éclater.

Après une seconde saison fort réussie mais qui s'essoufflait un peu sur la fin comparativement à l'extraordinaire première saison, Marc Cherry & Charles Pratt remettent le couvert et livrent une troisième saison intense, riche en émotions et en surprises. Bon je dis pas que c'est passionnant et superbe de bout en bout, il y a quelques coups de mou, ça tourne parfois en rond, mais il y a suffisamment d'épisodes réellement géniaux et de moments bouleversants pour scotcher suffisamment. Notamment un épisode de prise d'otage dans un super-marché, fulgurant, intense, virtuose, totalement inattendu. Et un autre, également très fort où la mère d'Orson essaye de tuer Bree. Dans des moments comme ça, on est complètement bouleversés tellement on s'est attaché aux personnages.

Car oui on s'y attache à ces personnages, et plus que jamais dans cette saison, car plus encore qu'auparavant ils nous apparaissent dans toute leur fragilité. Mention spéciale à Eddie qui s'offre le luxe de s'accaparer le twist final et qui derrière ses airs de femme fatale cruelle, révèle une sensibilité émouvante et un véritable besoin d'amour. Et puis Lynette, aussi qui, avant d'apprendre son cancer, se surprend à tomber amoureuse d'un employé de sa pizzeria. Il lui avoue ses sentiments, elle le licencie, lui reprochant d'avoir tout gâché. Quand elle rentre chez elle et qu'elle se met à pleurer en faisant couler l'eau du bain pour que Tom ne l'entende pas, on pleure avec elle, c'est inévitable. Ces moments là on ne les oublie pas, par contre l'histoire de Susan, Mike et Ian par exemple on l'oublie. C'est comme ça, une série ne peut pas être passionnante dans ses moindres détails. Bon et puis sinon c'est toujours aussi bien mis en scène et aussi bien joué (Kyle Mac Lachlan, plus de 15 ans après Twin Peaks, est toujours aussi génial). Franchement très bonne série qui réussit à vraiment captiver malgré son apparente redondance.

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28 septembre 2008

Entre les Murs - Laurent Cantet (2008)

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"Qui a eu cette idée folle, d'un jour inventer l'école ?.."

J'avoue y être allé avec scepticisme, pour tout dire j'ai même failli ne pas y aller, et puis bon c'est quand même la Palme quoi, et ça faisait une sortie - un peu d'air au milieu des dissertations sur Roméo & Juliette et des études de documents sur la Sécurité Sociale. En même temps, le film se passe dans un collège tout le long, donc bon, c'était raté pour le dépaysement... Bref, j'entre dans la salle, n'attendant rien de spécial du film, et me voilà entouré de vieux snobs. Après un moment d'hésitation, je m'assois quand même, priant pour ne pas avoir payé 5 euros pour rien. Et après les bandes-annonces plutôt médiocres, voilà que le film commence, et là c'est le soulagement, l'enchantement.

Entre les Murs est une surprise de chaque instant, il est toujours là où on ne l'attend pas, il évite absolument tous les clichés malgré son sujet délicat. Sans rire, chaque situation-type qu'on s'attend à voir n'arrive pas, chaque réplique qu'on attend, chaque réaction qu'on anticipe ne se produisent pas. Même les nombreux personnages ne sont pas le moins du monde stéréotypés, les élèves comme les profs ont leurs défauts, pas de blâme, pas de glorification du "professeur-génial-qui-sauve-les-jeunes-banlieusards-de-l'ignorance-et-de-la-délinquance", rien de tous ces trucs hollywoodiens à la noix, juste des personnages tout ce qu'on fait de plus humains et par conséquent fragiles. Pourtant avec un pitch pareil et une récompense venue des mains de Sean Penn, il y avait de quoi avoir peur. Mais non, le film pose les bonnes questions et laisse au spectateur le soin d'y répondre. On en sort un peu frustré, parce qu'on a quand même passé 2H15 en face d'un problème qui tourne en rond, mais Entre les Murs est passionant, justement à cause de cette frustration qu'il suscite. C'est un film fait de ruptures, de non-dits, qui pose des enjeux dramatiques sans toujours leur donner de conclusion (Suleiman sera-t-il renvoyé au Mali ? La mère de Wei pourra-t-elle rester en France ?). Un film "ouvert" dans tous les sens du terme et grand.

Alors bon, l'histoire de cette classe comme métaphore de la société, pourquoi pas, mais moi je vois surtout dans ce film un beau moment de vie et de Cinéma, plein d'optimisme, de joie de vivre et d'émotions. Il y a des moments très émouvants, d'autres vraiment hilarants, on ne s'ennuie pas une seconde et l'aspect "documentaire envoyé spécial" du film est vite oublié face aux dialogues formidablement bien écrits et aux thèmes passionnants abordés (le problème du langage, l'immigration, l'éducation, la discipline...).  Les mots fusent, les comédiens amateurs jeunes ou moins jeunes sont d'un naturel et d'une cinégénie sidérants. Très très beau film donc, gentiment engagé, qui remet en question sans militantisme lourdingue. Si ça vaut vraiment une Palme, je ne sais pas, mais c'est à voir en tout cas.

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14 septembre 2008

Persepolis - Marjane Satrapi & Vincent Paronnaud (2007)

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Chah perché

2007 était quand même une année Cinéma sacrément riche. Entre tous les grands films pondus par des valeurs sûrés comme Lynch, Coppola, Cronenberg, Rivette, Van Sant, Tarantino ou Gray, s'est distingué un très beau et bouleversant film d'animation français. Ce film, c'est Persepolis, réalisé par les dessinateurs de BD débutant dans le cinéma Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. Sa diffusion sur Canal+ Cinéma m'a permis de le revoir, et malgré son succès plutôt conséquent en salles je n'ai pas pu m'empêcher de me dire qu'un film comme ça devrait être encore plus vu et mieux distribué. C'est une véritable leçon de vie, un modèle de pensée et pourtant jamais pompeusement didactique. Un film plus que jamais engagé et plein de maturité.

En apparence, un truc hyper-formaté pour parigos gauchos adeptes d'exotisme snobinard. Alors oui, le film est bel et bien de gauche, (bien plus que n'importe quel film qui se revendique prétentieusement de gauche, et il y e a pléthore), ce qui n'est absolument pas un défaut en soi, mais il a le mérite d'aller bien au-delà de ça. Le film revendique ses idées politiques en toute modestie, sans lourdeur, avec auto-dérision parfois et un esprit critique très affuté. Et puis c'est aussi un drame familial extrêmement poignant (on se surprend à verser une petite larme quelquefois), une oeuvre autobiographique tendre et sincère, truffée de personnages incroyablement attachants. Satrapi intègre sa "petite" histoire dans la grande Histoire et aborde des tonnes thématiques passionnantes mais casse-gueules traitées ici avec une finesse et une intelligence déconcertantes.

C'est rempli d'idées de Cinéma, de trouvailles esthétiques vraiment chouettes et de références culturelles intelligentes et décalées allant de Munch à Klimt, en passant par ABBA, les Bee Gees et Iron Maiden. Persepolis stimule la conscience politique, c'est un hymne à la tolérance et à la paix jamais niais, toujours juste. L'humour parfois très corrosif est omniprésent, ça lance des "merde", "bite", "cons", "couilles", "connard" à tout va (bah ouais, ça a beau être un film d'animation c'est pas tellement pour les gosses), et ça reste très fin, très poétique, toujours infiniment mélancolique. Jamais le film ne tombe dans le pathos et livre des moments déchirants de pure émotion et de larmes. Un film d'animation pour adultes, fait par des adultes conscients, matures et généreusement militants. Tant qu'il y aura des films comme ça, il y aura de l'espoir.

persepolis

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26 août 2008

Top 2008 provisioire

gomorra

5
LE NIRVANA

Vicky Cristina Barcelona - Woody Allen
Gomorra - Matteo Garrone
Redacted (Revu et Corrigé) - Brian De Palma
Wall-E - Andrew Stanton
There Will Be Blood - Paul Thomas Anderson
 Les Trois Singes - Nuri Bilge Ceylan
Le Silence de Lorna - Jean-Pierre & Luc Dardenne
Valse avec Bachir - Ari Folman
The Dark Knight - Christopher Nolan


4
EXCELLENT


Diary of the Dead - George A. Romero
Entre les Murs - Laurent Cantet
[Rec] - Jaume Balaguero & Paco Plaza
Cloverfield - Matt Reeves
Funny Games U.S. - Michael Haneke
Shine a Light - Martin Scorsese
Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal - Steven Spielberg

3
BON

Juno - Jason Reitman
Les Grandes Personnes - Anne Novion
Eldorado - Bouli Lanners
Kung Fu Panda - Mark Osborne & John Stevenson
Phénomènes - M. Night Shyamalan
Mirrors - Alexandre Aja
La Personne aux Deux Personnes - Nicolas & Bruno
No Country For Old Men - Joel & Ethan Coen
It's a Free World - Ken Loach
Premières Neiges - Aida Begic
Versailles - Pierre Schoeller
.

2
PAS MAL

  Berlin- Julian Schnabel
Black Sheep - Jonathan King
Surveillance - Jennifer Lynch
Le Voyage aux Pyrénées - Jean-Marie & Arnaud Larrieu
Boogie - Radu Munteanu
.

1
BOF

Soi Cowboy - Thomas Clay
Bienvenue Chez Les Ch'tis - Dany Boon
Into the Wild - Sean Penn
La Frontière de l'Aube - Philippe Garrel
La Sangre Brota - Pablo Fendrik
..

REPRISES

5

Zabriskie Point - Michelangelo Antonioni

4
A Swedish Love Story (Une Histoire d'Amour Suédoise) - Roy Andersson

.

2009

2
PAS MAL

Linha de Passe - Walter Salles & Daniela Thomas

.

Nouvelles entrées en rouge

30 juillet 2008

Voyage à Tokyo - Yasujiro Ozu (1953)

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Tokyo Monogatari

Je découvre Ozu avec ce superbe film et autant dire que j'en suis enchanté. Rarement vu une oeuvre aussi sensible, aussi magnifiquement fragile et aussi poignante. D'une sobriété et d'une humilité bouleversantes, Voyage à Tokyo est un film simple mais incroyablement beau, toujours légèrement ironique, il ne se complait pas dans la tristesse de son propos, il a quelque chose d'infiniment pur, de profondément mélancolique qui en fait un chef d'oeuvre du mélodrame.

L'histoire est simple : un couple vieillissant part à Tokyo rendre visite à ses enfants. Vite encombrants, ils décident de rentrer, mais la femme tombe bientôt gravement malade et meurt, faisant prendre conscience à ses enfants de la fugacité de la vie. Il ne se passe finalement pas grand chose, c'est seulement la vie qui s'écoule, un fragment d'existence. Un peu long le fragment quand même, j'avoue honteusement avoir regardé l'heure une ou deux fois pendant ces 130 minutes, sans dire qu'on s'ennuie, simplement j'ai trouvé la durée un peu exagérée.

Ozu prend bien le temps de raconter son histoire, le montage est plutôt lent, le jeu des acteurs (tous très émouvants) aussi est lent, la quasi-totalité des plans sont fixes (mais quel sens du cadre, putain ! il y a dans ce film quelques uns des plus beaux plans que j'aie pu voir !), d'où une impression de sérénité. Une sérénité à peine troublée par la perspective de la Mort, quelques répliques, quelques expressions trahissent peut-être une certaine nostalgie. Ce n'est que quand Elle surgit au moment où on ne s'y attend pas qu'on se rend compte que tout est éphémère au final. Le plus beau film sur la vieillesse et l'acceptation de la Mort qui soit, d'une limpidité déchirante. J'ai peut-être une légère préférence pour l'onirisme d'un Mizoguchi, mais quand même, ce Voyage à Tokyo est absolument inoubliable, tellement attachant !

29 juillet 2008

Pickpocket - Robert Bresson (1959)

pickpocket
"Oh, Jeanne, quel drôle de chemin il m'a fallu prendre pour aller jusqu'à toi..."


Singulière histoire d'amour que ce Pickpocket. Relatant le parcours initiatique d'un kleptomane égocentrique, le film a quelque chose de très littéraire. Ses dialogues déjà, sont écrits avec beaucoup de finesse, comme ceux d'un roman, il y a même quelques répliques qui sonnent comme des citations du genre "J'ai cru en Dieu, Jeanne, pendant trois minutes." Et puis le héros - mélancolique et tragique est définitivement très littéraire, entre le Mersault de Camus et le Raskolnikov de Dostoïevski. La réflexion que nous offre Bresson sur le limites fixées par les lois se rapproche de la thèse de Crime et Châtiment (le rapprochement avec cette oeuvre est d'ailleurs souvent fait au sujet de ce film), cette idée qui fascine Michel comme quoi "des hommes capables, indispensables à la société" seraient "libres d'échapper aux lois". Il y a aussi cette idée de destin et de hasard propre à la tragédie antique, et cette froideur, ce côté machinal qui rappelle Le Nouveau Roman et plus particulièrement Les Gommes de Robbe-Grillet.

Le film de Bresson est un matériau brut, il refuse tout esthétisme, toute poésie et tout onirisme, les cadrages sont très ciselés, on-ne-peut-plus précis, la mise en scène est sobre mais élégante, les éclairages sont réalistes au maximum.  Par son flot d'images, Pickpocket semble créer un mouvement continu, un rythme régi par la virtuosité du montage. En fait, le film lui-même est un mouvement rectiligne, allant d'un point A (le Crime) à un point B (le Châtiment et la découvert de l'Amour et de la Morale) avec une logique implacable. Tout ça est un peu raide à mon goût, et le jeu d'acteur froid et distancié un peu trop "balai dans le cul" n'arrange rien. Mais c'est voulu, c'est dans la logique du reste, et l'effet est saisissant. Ce que Bresson semble viser en fait, c'est le Sublime, l'invisible, l'illimité, il veut aller au-delà du cadre pour saisir l'infini. Au-delà du constat pessimiste sur la noirceur du monde, au-delà de l'étalage - passionnant ceci dit - des techniques des pickpockets, au-delà de toute psychologie, de tout récit, au-delà de toute politique. Toute une théorie du Cinéma en  à peine 75 minutes de film. Fascinant.

Je renonce à en parler plus longuement, je crois avoir dit assez de conneries comme ça. Il y a des films qui me dépassent... Après avoir été déçu par Au Hasard Balthazar, me voilà sûr du génie de Bresson en tout cas !

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29 juillet 2008

La Nuit - Michelangelo Antonioni (1961)

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La Notte

Y'en a qui ont la classe, d'autres pas. Antonioni l'a, définitivement. Chaque plan de La Notte est une merveille. Le cinéaste pousse le plus possible son esthétique vers l'épure, les lignes directrices sont très marquées, la construction des plans est géométriquement parfaite, les éclairages sont superbement dosés. Pourtant, ça n'est jamais bêtement esthétisant, ce goût lyrique pour la forme pure n'est jamais vain - pas comme chez Wong Kar Wai, par exemple, qui semble pomper pas mal chez Antonioni niveau motifs quand on voit ce film. La beauté plastique de La Notte est toujours signifiante, évidente. Froide aussi, mais volontairement. Les personnages évoluent dans des décors presque déshumanisés, trop sophistiqués, vides de sens. Quand Jeanne Moreau (belle à se damner) évolue dans Milan, elle vient toujours briser la géométrie du plan et du décor, elle est perdue et comme invisible aux yeux des autres.

Le pitch se résume à l'errance d'un couple au bord de la rupture le temps d'une journée. Le matin, visite d'un ami mourant à l'hôpital. Moreau s'en va et pleure, Mastroianni se fait draguer par une nympho folle furieuse. L'après-midi, dédicace de bouquins pour Mastroianni, flâneries désepérées dans les rues de Milan pour Moreau. Le soir, le nightclub où une danseuse Noire subjugue Mastroianni. Puis la nuit se passe chez de riches amis où tous deux flirtent. Le matin venu, Lidia annonce à Giovanni qu'elle aimerait mourir, qu'elle ne l'aime plus. Puis il y a cet instant bouleversant où, après la lecture d'une longue lettre d'amour dans un pré, Giovanni demande "De qui est cette lettre ?". "De toi." répond sa femme. Puis il s'enlacent, Moreau résiste puis se laisse faire finalement. Désespérément unis, ils se débattent dans les ruines de leur amour. La caméra les abandonne. Encore une fois, Antonioni, touché par la grâce, termine son film de la façon la plus magistrale qui soit. On en pleurerait presque. La froideur abstraite de l'ensemble suffit de nous achever, et on en sort accablé de tristesse.

Peu d'action donc, peu de sentiments aussi - au point que le film semble un peu longuet sur la fin. Les personnages semblent agir par dépit, ils se croisent et se recroisent sans arriver à véritablement communiquer (l'incommunicabilité entre les êtres, grand thème de l'oeuvre d'Antonioni), errant sans conviction comme des fantômes vidés de toute substance. Antonioni sonde le mal-être de l'âme humaine avec sa caméra, sans jamais verser dans le cinoche psychologique à deux balles. Avec ses images, il raconte le désespoir, sans forcément recourir aux mots. Chez lui, le silence est bien plus éloquent que les flots de parole. Du Cinéma ardu et intellectuel, à ne pas regarder si vous êtes dépressif ou fatigué...

la_notte

27 juillet 2008

Mala Noche - Gus Van Sant (1985)

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If you fuck with a bull,
you get the horn.

C'est toujours intéressant et émouvant de regarder le premier film d'un grand réalisateur. Parfois dangereux aussi, parce qu'on a souvent tendance à être trop indulgent. Mala Noche est une pure oeuvre de jeunesse de très bonne facture. Pas très maîtrisé, un peu brouillon sur les bords, on sent que le film a été fait avec trois francs six sous. L'image noir & blanc est crade, le montage est grossier, maladroit, trop violent. Et puis cette fin "ouverte" trop facile et décevante gâche un peu, Van Sant a l'air de couper son film en plein milieu. Ca, c'était pour les défauts. Autrement, le film, avec ses airs de Midnight Cowboy, est plein de charme, l'aspect extraverti et dévergondé est très sympatoche, la musique est jolie et agréable, les acteurs - inconnus - sont vraiment doués.

L'histoire, adaptée du journal intime d'un poète de Portland, nous conte les déboires amoureux d'un américain qui tombe fou amoureux d'un jeune mexicain et essaye par tous les moyens de coucher ne serait-ce qu'une fois avec lui. Le pitch est simple donc, comme toujours chez Van Sant. Mais le cinéaste en fait un film unique et magique. Ca parle de sexe  - et d'homosexualité surtout - sans tabous, les sentiments sont brutaux, le style visuel est très sec et épuré. Et malgré cette crudité, Mala Noche conserve une certaine grâce, une poésie envoûtante née de l'âpreté des images, de la violence de leurs entrechoquements.

La mise en scène est magnifique et le Gus affichait déjà un style très personnel, moins élégant que ce qu'il fera par la suite et sans le goût prononcé pour les plans-séquences que l'on remarque dans ses derniers films, mais avec des motifs récurrents comme les nuages ou les travellings dans les couloirs, et des thématiques apparemment chères à son coeur comme la marginalité ou l'amour impossible. Un bien beau film en somme, pas un chef d'oeuvre, pour sûr, mais ça reste vraiment pas mal - surtout pour un premier film tourné avec si peu de moyens.

mala_noche

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